Motions, voeux Echo des bahuts

 Faire cesser enfin les contrôles d’identité sur des enfants !

 

Lettre ouverte de professionnels de l’Éducation nationale :

Le 6 avril a eu lieu le procès en appel de 3 jeunes lycéens, Mamadou Camara, Ilyas Haddaji et Zakaria Hadji Mmadi qui après avoir subi un contrôle discriminatoire et abusif lors d’une sortie scolaire, ont décidé d’attaquer l’Etat en justice pour discrimination. En mars 2017, à la Gare du Nord de Paris, au retour d’une sortie scolaire, les 3 lycéens ont fait l’objet de contrôles d’identité et d’une fouille de leurs affaires personnelles, sans qu’aucune explication ne leur soit donnée.

S’il est exceptionnel que des jeunes ciblés par des contrôles discriminatoires décident de porter plainte, nous savons que ces contrôles n’ont rien d’inhabituel. Depuis des années, les contrôles au faciès et les pratiques abusives qui ciblent les jeunes perçus comme noirs ou arabes, sont dénoncés par ceux qui les subissent et aussi par les associations de lutte contre les discriminations et les ONG de défense des droits humains.

Ces contrôles discriminatoires ont été condamnés jusqu’au plus haut niveau de l’Etat mais au travers de nos contacts quotidiens avec les jeunes, nous voyons bien que dans la pratique, rien ne change.

En tant que personnels de l’éducation et fonctionnaires de l’Etat, c’est le sens même de notre mission que ces pratiques bafouent. Cette situation perdure depuis trop longtemps.

Les contrôles discriminatoires mettent à mal notre mission d’enseignement au quotidien. Quand ils ont lieu sur le chemin de l’école, ils occasionnent régulièrement des retards en classe. Parce qu’ils ont trop l’habitude de ne pas être crus, qu’aucun justificatif du contrôle ne leur a été remis ou parce que l’humiliation subie rend la parole difficile, les élèves évoquent rarement les raisons de ces retards et se retrouvent avec des sanctions ou remarques pour retards injustifiés qui peuvent avoir de lourds impacts sur leur scolarité.

Lorsque nous sommes les témoins impuissants de ces contrôles qui ciblent nos élèves, lors d’une sortie scolaire ou devant les établissements scolaires ; c’est notre mission de protection des élèves placés sous notre responsabilité qui est remise en cause. Rappelons qu’un rapport récent de l’ONG Human Rights Watch « Ils nous parlent comme à des chiens » atteste de la fréquence de ces pratiques sur les enfants, en particulier collégiens et lycéens.

Mais c’est aussi dans l’accompagnement des élèves dans leur insertion sociale, leur épanouissement personnel, que nous sommes confrontés aux effets dévastateurs de ces discriminations. A un âge crucial dans leur construction personnelle ; la dévalorisation, la perte d’estime de soi et la stigmatisation engendrées par ces pratiques discriminatoires, accroissent les inégalités sociales préexistantes, et affectent durablement les chances de réussite scolaire des jeunes qui les subissent.

Au moment des orientations de ces élèves, cette expérience précoce de la discrimination, par des représentants de l’Etat, favorise les processus d’auto-exclusion, de marginalisation et de relégation vers des filières non choisies.
Enfin, comment transmettre les valeurs de la République et la confiance dans nos institutions ? Comment transmettre le principe d’égalité à des élèves qui subissent quotidiennement des discriminations de la part d’institutions étatiques ? Comment transmettre le principe de liberté quand certains sont privés de leur liberté de mouvement dans l’espace public ? Comment transmettre le principe de fraternité, alors que nous voyons le vivre-ensemble et la cohésion sociale, abimés un peu plus chaque jour par ces pratiques ?

En 2018, nous avions alerté la ministre de l’Education nationale, Mme Najat Vallaud-Belkacem, sur ce problème récurrent et nous avions soutenu la demande d’une circulaire qui interdise les contrôles lors des sorties scolaires. En vain.

Il est urgent d’agir pour que cessent enfin ces pratiques. C’est pourquoi nous soutenons l’action de groupe initiée le 27 janvier qui crée une opportunité unique pour la mise en place de mesures fortes et courageuses qui prises toutes ensemble permettront d’éradiquer ce fléau.