Motions, voeux International

 Mourir en silence : tribune signée par la FERC-CGT

 

« Le corps de Maher Al-Akhras, c’est aussi le corps de milliers de Palestinien·ne·s, et des plus de 4 400 personnes détenues dans les prisons israéliennes [...] La détention administrative est une arme de guerre, un moyen de contenir les corps et les esprits. » M. Al-Akhras, Palestinien arrêté sans charges ni procès, est en grève de la faim depuis 103 jours. Annie Ernaux, Bertrand Badie, Malik Salemkour et un collectif de personnalités demandent sa libération et celle des autres prisonnier·e·s politiques palestinien·ne·s.

103 jours de grève de la faim, 103 jours de combat contre son arrestation et sa détention sans charges ni procès pour Maher al-Akhras.

Arrêté le 27 Juillet 2020, puis arbitrairement placé en détention administrative, ce Palestinien de quarante-neuf ans et père de six enfants ne cesse de réclamer sa libération face à l’injustice que représente son emprisonnement sur ordonnance.

C’est le jour même de son arrestation que Maher Al-Akhras met son corps en grève, refusant de s’alimenter et de boire tout autre liquide que l’eau pour dénoncer la décision inique des autorités israéliennes. En effet, aucune enquête sérieuse n’a été menée à son sujet, et aucune charge ne pèse réellement contre lui. Arrêté une première fois en 1989, puis en 2004, Maher Al-Akhras n’en est pas à sa première expérience des prisons israéliennes ; militant pour la libération de la Palestine, il est accusé sans preuves de faire partie d’un groupe terroriste.

Suite à une requête de son avocat, l’ordre de détention administrative est « gelé » en Septembre, octroyant des droits de visite au détenu sans pour autant révoquer son emprisonnement. Mais Al-Akhras ne compte pas se laisser intimider par cette tentative de briser sa résistance - tentative qui laissait également apparaître l’éventualité de la reprise de la détention sitôt l’urgence vitale écartée. En Octobre, le procureur militaire israélien rejette une seconde demande de suppression pure et simple de l’ordre de détention.

Maher Al-Akhras n’a pas besoin d’allègements ni de suspensions provisoires, il exige de retrouver sa dignité et sa liberté. En octobre, le comité international de la Croix-Rouge avait qualifié son état de santé de « critique ». Combien de temps encore allons-nous laisser cet homme, symbole de la résistance de tout un peuple qui subit depuis plus de soixante ans les humiliations, l’oppression, l’apartheid, les détentions injustes, se dégrader jusqu’à mourir entre les murs de l’hôpital Kaplan ?

Le corps de Maher Al-Akhras, c’est aussi le corps de milliers de Palestinien·ne·s, en particulier des plus de 4 400 personnes actuellement détenues dans les prisons israéliennes – dont 350 en détention administrative -, des 155 enfants emprisonnés et des 850 000 activistes ou simples citoyen.ne.s qui, depuis 1967, ont peuplé les prisons parfois pendant des années parce qu’ils/elles avaient simplement commis l’erreur d’exister[1].

La détention administrative est une arme de guerre, un moyen de contenir les corps et les esprits. Héritage du mandat britannique sur la Palestine, ce mode d’emprisonnement est utilisé par Israël afin de mettre des militants hors d’état de nuire sans chef d’accusation ni accès au dossier pour la défense, et cela pour six mois renouvelables. Cette pratique, intensifiée depuis 2008, est un déni flagrant des Droits humains. En 2016, le Comité des Nations Unies contre la torture (« UNCAT ») a appelé le gouvernement israélien à « prendre les mesures nécessaires pour mettre fin à la pratique de la détention administrative et s’assurer que toutes les personnes qui sont actuellement en détention administrative bénéficient de toutes les garanties juridiques de base ».

Pour la dignité, pour la justice, pour la liberté et l’égalité, nous, organisations, mouvements, personnalités ou citoyen·ne·s, prenons position et affirmons notre opposition à la détention de Maher Al-Akhras et à celle des prisonnier·e·s politiques palestinien·ne·s détenu·e·s selon les mêmes modalités que lui. Contre l’emprisonnement sans charges ni procès des esprits et corps libres, élevez votre voix !

Signataires :

Bertrand Badie, professeur émérite à Science-Po Paris
Jérôme Bonnard et Murielle Guilbert, porte-paroles de l’Union Syndicale Solidaires
Rony Brauman, médecin et essayiste
Marie Buisson, secrétaire générale de la FERC- CGT (Fédération de l’éducation de la recherche et de la culture CGT)
Annick Coupé, secrétaire générale d’ATTAC France (Association pour la Taxation des Transactions financières et l’Action Citoyenne)
Annie Ernaux, écrivaine
Bernadette Forhan, présidente de l’ACAT-France (Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture)
Nacira Guénif, sociologue, université Paris 8
Olivier Le Cour Grandmaison, universitaire
Henry Masson, président de La CIMADE (Comité inter-mouvements auprès des évacués)
Malik Salemkour et Michel Tubiana, président et président d’honneur de la LDH (Ligue des Droits de l’Homme)
Benoît Teste, secrétaire général de la FSU (Fédération Syndicale Unitaire)

[1] Sources et chiffres : http://www.addameer.org/