Communiqués Voie professionnelle

 L’impossible continuité pédagogique en lycée pro’

 

Nous ne reviendrons pas sur les conditions ubuesques et les inflexions contradictoires de nos hiérarchies dans la mise en place de la « continuité pédagogique ». Les lycées professionnels n’ont pas échappé aux tergiversations, aux pressions hiérarchiques, aux multiples dysfonctionnements et parfois à l’absence de communication de la hiérarchie.

La « continuité pédagogique » n’existe pas car elle ne peut pas remplacer le face à face pédagogique dans l’acquisition ou l’approfondissent des connaissances et des capacités, et encore moins en lycée professionnel. En effet, comment les enseignant·es des disciplines professionnelles pourraient-ils·elles transmettre par le télétravail des savoir-faire qui s’acquièrent par des heures de pratique en ateliers ? Comment coiffer, comment câbler, comment tenir un magasin pédagogique virtuellement ? Mission impossible qui se traduira forcément par un manque d’acquisition de qualifications par les élèves. L’interruption légitime des PFMP l’accentuera.

Arguant de cette spécificité des lycées professionnels, certain·es chef·fes d’établissement, anticipant une reprise plus qu’hypothétique, n’ont pas hésité à mettre la pression dès les premiers jours du confinement et à modifier les emplois du temps des collègues pour augmenter les heures d’enseignement général, générant ainsi stress et incompréhension dans les équipes pédagogiques. S’appuyant sur un passage du vademecum « la continuité sera plus axée sur les apprentissages en enseignement général dans cette période, ce dont il faudra tenir compte au moment de la reprise pour rééquilibrer les apprentissages » ils·elles envisagent une annualisation sur la dernière partie de l’année scolaire. D’autres en ont profité pour mettre à l’ordre du jour des conseils pédagogiques, organisés en vidéo-conférence, le développement de l’apprentissage à la rentrée 2020 comme si c’était la question urgente du moment. Dans tous les cas, un zèle qui n’est pas à la hauteur des enjeux.

Jean-Michel Blanquer estimait le mardi 31 mars « qu’entre 5 et 8% des élèves » ont été « perdu·es » par leurs professeur·es. Force est de constater que pour les lycées professionnels la proportion est bien plus élevée. Les élèves des lycées professionnels sont issu∙es, dans leur grande majorité, de milieux défavorisés cumulant ainsi nombre d’inégalités économique, sociale et familiale qui expliquent leur décrochage plus massif. L’annonce assez prématurée, alors qu’il existait d’autres pistes, d’un passage des examens en contrôle continu a accentué le phénomène. Ces dernières semaines, en fonction des filières et des disciplines, la proportion a pu atteindre jusqu’à 90%.

La crise majeure que nous traversons, révèle de façon criante les conséquences dramatiques de la transformation de la voie professionnelle. La mise en place des familles de métiers en diminuant la spécialisation professionnelle en seconde va laisser bien des élèves en difficulté pour choisir et suivre leur orientation en première. La diminution des heures d’enseignement spécifiquement disciplinaire se fera d’autant plus sentir cette année. Ces pertes en partie compensées par la co-intervention et le chef-d’œuvre sont dans ce contexte doublement perdues. La bérézina que constituent ces nouveaux dispositifs montre concrètement le caractère hors-sol de cette réforme. Quel chef-d’œuvre sera à même d’être présenté par les élèves de CAP l’année prochaine ?

Plutôt que de communiquer tout azimut et de feindre que tout va bien notre ministre devrait mettre sa réforme en « quarantaine », car ce dont les lycées professionnels ont besoin c’est d’une dotation supplémentaire en moyens et en postes pour assurer aux élèves et à leurs familles les conditions d’une rentrée digne et porteuse d’avenir.