Guides et dossier Echo des bahuts

 Confinement : l’éducation à l’épreuve du marché Ed Tech

 

Emmanuel Macron a annoncé la date du 11 mai pour une rentrée des élèves et des enseignant·es, contrevenant aux préconisations des autorités de santé en matière de distanciation sociale. Cette période de confinement inédite que nous connaissons depuis maintenant plusieurs semaines, nous confirme une fois de plus les intentions libérales du gouvernement en matière d’éducation !

Le confinement : un « mets » de choix
pour les entreprises privées du numérique
L’injonction d’une « continuité pédagogique » martelée aux enseignant·es par JM Blanquer a permis de révéler l’immixtion grandissante de l’offre scolaire numérique privée au sein de l’Education nationale. Tandis que JM Blanquer occupait les médias laissant les élèves, les parents et les enseignant·es seul·es face à leurs détresses, scandant à l’envi des « nous sommes prêts », les ENT étaient quasiment tous dysfonctionnels. De nombreux professeur·es, soucieux de pouvoir continuer à accompagner leurs élèves, se sont précipités sur des outils numériques privés qui eux fonctionnent. Du fait d’une école en souffrance, la filière EdTech a d’ailleurs bien compris la chance inouïe que représentait ce confinement pour son expansion et a ainsi proposé dès le début de « l’école à la maison » de proposer un accès gratuit à ses plateformes. Par générosité et bonté d’âme ? Evidemment que non ! Le confinement représente pour ces entreprises une opportunité rêvée pour démarcher et sé-duire de nouveaux consommateur·trices et développer ainsi de nouvelles parts de marchés. La recherche de nouveaux profits encore et toujours…

Quand l’offre numérique privée joue avec la sécurité des données personnelles

Face à l’impréparation du Ministère et à une offre numérique institutionnelle obsolète, de nombreux enseignant·es n’ont pas eu d’autres choix que d’utiliser des outils numériques privés (Klassroom, WhatsApp, Discord, Blackboard…) loin de se douter qu’ils et elles mettraient gravement en danger leurs données personnelles et pédagogiques. Après quelques semaines de confinement, des plaintes commencent à émerger d’enseignant·es dont l’identité a été usurpée (création de faux profil, publications mensongères…). Contrairement aux ENT de l’Education Nationale qui ont fait l’objet d’un travail sérieux pour leur sécurisation, ce n’est pas le cas de ces applis. Nombre d’entre elles ne respectent pas la loi française et le règlement général sur la protection des données européen (RGPD). D’ailleurs, le Ministère publiait début avril un texte sur la « conduite à tenir dans le choix des outils du numérique » après avoir constaté « une explosion de nouveaux outils pour faire face aux difficultés de connexion, mais qui ne sont souvent pas maîtrisés et qui posent d’im-portants problèmes de diffusion de données personnelles ». Trois semaines après le début du confinement, il était temps ! Il était surtout déjà trop tard…

Objectif de l’EdTech : la captation des financements publics !

Face à l’impuissance du Ministère à créer des outils numériques performants (du fait d’un désengagement financier de l’Etat depuis des années), le secteur privé a bien compris qu’il pouvait tirer parti de cette situation sanitaire inédite. Ces entreprises flairent le bon filon depuis plusieurs années : les publics scolaires représentent en effet un « marché » particulièrement rentable. Cette filière de l’Ed Tech en pleine expansion ne cache pas son intention de « marchandiser » l’éducation comme le titrait en janvier 2020 le magazine Forbes « Pourquoi il faut créer une véritable filière EdTech en France » et sa volonté de créer un « partenariat » avec le Ministère de l’Education nationale. Depuis des années, il répond aux injonctions du numérique et entend transformer l’Education Nationale en incubateur de start-up ! Il ne s’en cache pas et propose même des locaux à ces entreprises ! Au Ministère, le « 110 bis » est le « lab d’innovation de l’Education nationale ». Ce dispositif lancé par JM Blanquer en 2018 a des objectifs clairs de partenariat avec la EdTech « établir un dispositif de dialogue ouvert et horizontal pour tous les acteurs de l’Éducation, qu’ils soient internes ou externes au ministère ». Ainsi JM Blanquer cherche à faire croire que l’on peut faire tomber les barrières entre le public et le privé et devenir des « collaborateur·trices ». Il permet ainsi à la EdTech de capter tranquillement des financements publics…

Les enseignant.es à l’heure du E-learning : une attaque du statut annoncée !

La « continuité pédagogique » en ligne a proposé une pratique bien sombre du métier d’enseignant : pratiques chronophages, connexion perpétuelle, fatigabilité liée aux écrans… Toutes ces réalités ont épuisé les enseignant·es et ont entrainé souffrance et remise en question. Cela confirme la tendance d’une transformation d’un service public d’éducation « en service à la personne » où les enseignant·es seraient sommés de faire du « cas par cas », de « l’éducation à la carte » en présentiel comme en ligne, afin de gommer les inégalités en matière scolaire (inégalités qui ne cessent de se creuser pourtant). L’enseignant·e se voit ainsi (en plus de ne pas avoir de revalorisation salariale d’être méprisé par l’institution, de voir ses conditions de travail se dégrader) être dépossédé de ses savoirs et de sa liberté pédagogique. Cette épidémie semble permettre au Ministère de faire de l’exceptionnel une situation pérenne, imposant aux enseignant·es la généralisation de l’enseignement numérique…

Le numérique : des inégalités qui continuent de se creuser entre les élèves…

Le confinement a permis de révéler la fracture numérique dont sont victimes nombre de nos élèves dans le département. Plus qu’ailleurs, les élèves sont sous-équipé·es et non formé·es à l’utilisation de ces outils. Si par endroit, un effort a été réalisé pour réduire la fracture matérielle avec des distributions de tablettes ou d’ordinateurs, les usages sont très inégaux. Beaucoup de nos élèves n’ont pas les codes et ne peuvent entrer de manière autonome dans les apprentissages numériques. Le numérique désavantage donc les élèves les plus fragiles, contrairement au « storytelling » du ministère. Rien ne remplace la présence humaine ! De plus, il est important de tenir compte du temps passé derrière les écrans et de le limiter (lumière bleue, fatigabilité).

Le « tout-numérique » : un impact environnemental désastreux !

Aujourd’hui le numérique consomme 10% de l’électricité mondiale. De la fabrication des équipements informatiques, à leur utilisation et au fonctionnement du réseau internet, la pollution numérique est réelle ! Chaque mail, chaque connexion, chaque ordinateur est donc particulièrement énergivore. Enfin, les composants utilisés sont produits et assemblés dans des pays où les conditions de travail sont déplorables pour les travailleur·euses, sont polluants et participent aux pillages des ressources de pays.

LA CGT EDUC’ACTION 93 REVENDIQUE
 Un refus de l’emprise du « tout numérique » au détriment des savoirs.
 Un réel accompagnement des élèves et des personnels aux bons usages de ces outils.
 Le développement d’outils numériques de qualité entièrement publics.
 Le refus que cette épidémie soit le prétexte à une remise en cause du statut
des enseignants et à une transformation du métier.

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