Motions, voeux Egalité femmes-hommes

 Lettre ouverte à Monsieur Jean-Michel Blanquer,

 

Lettre ouverte à Monsieur Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Éducation nationale

Monsieur le ministre,

Des représentantes de nos organisations CGT Éduc’action, FSU, SUD éducation ont publié une tribune dans Le Monde sur les violences sexistes et sexuelles dans l’Éducation nationale et l’Enseignement supérieur et la recherche le 22 novembre
2019. Elles y dénonçaient les manquements des services de l’Éducation nationale et
l’Enseignement supérieur et la recherche en matière de protection des victimes de
violences sexuelles et sexistes et l’impunité qui en résulte.

D’après l’enquête du Défenseur des droits, 20 % des femmes actives déclarent avoir
été confrontées à une situation de harcèlement sexuel au cours de leur vie
professionnelle ; près de 30 % des victimes n’en parlent à personne. 40 % des
femmes interrogées indiquent que lorsqu’elles ont dénoncé les faits, la résolution
s’est opérée à leur détriment.

Le MEN emploie 814 500 femmes et 322 300 hommes. Dans un ministère féminisé à plus de 68 %, la lutte contre les violences sexistes et sexuelles doit être aussi une priorité. La loi n°83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires garantit aux agent-es de la Fonction publique une protection contre les violences physiques et verbales dont ils et elles pourraient être victimes, ainsi que les
situations de harcèlement sexuel ou moral. Son article 6 bis a été modifié pour
inclure la notion d’agissements sexistes.

Lutter contre les violences sexistes et sexuelles au travail est une obligation légale du
ministère employeur. L’employeur doit protéger les agent-es victimes de violences
lorsqu’elles sont détectées sur le lieu de travail, et ce, y compris si elles sont extraprofessionnelles.

Les violences conjugales sont d’ailleurs maintenant mentionnées explicitement dans l’accord égalité femmes hommes dans la Fonction publique.
Depuis la circulaire du 9 mars 2018, les ministères relevant de la Fonction publique
sont tenus de mettre en place une politique de prévention et de protection des
victimes de violences sexuelles et sexistes au travail.

Cette circulaire prévoit aussi un certain nombre de dispositifs d’accompagnement
des victimes comme la mise en place de cellules d’écoute garantissant un accueil de
qualité, la confidentialité, l’expertise et la rapidité. Or, nous avons constaté que ces
cellules d’écoutes sont rarement mises en place. Lorsqu’elles le sont, elles ne
répondent bien souvent pas aux exigences posées par la circulaire. Aucune formation
de qualité des personnels référents sur ces questions n’est organisée au sein de
l’institution. Et aucun bilan n’a été présenté dans les rectorats aux instances
administratives.

Des académies sont pilotes dans la mise en place de ce type de dispositifs. Qu’en est-il concrètement ? Quels indicateurs et évaluations avez-vous à nous transmettre pour
analyser leur effectivité et proposer des perspectives d’actions ?

Nous observons que trop souvent les autorités académiques n’informent pas les
personnels sur les possibilités de solliciter la protection fonctionnelle. Lorsque,
accompagné-es par nos organisations syndicales, la protection fonctionnelle est
accordée, les directions ne mettent en place aucune mesure de prévention ni de
réparation, alors même que la loi les y contraint.

Cette protection fonctionnelle lorsqu’elle est obtenue se borne trop souvent à une
assistance juridique a minima qui ne permet pas aux victimes d’être réellement
protégées. Il s’agit pourtant d’un des enjeux cruciaux de la lutte contre les violences
sexistes et sexuelles au travail.

Le ministère doit impérativement et urgemment traiter ces problématiques et
endiguer ces phénomènes de violences qui existent au sein de l’institution.
Monsieur le Ministre, nos organisations syndicales vous interpellent : elles
demandent l’application de la circulaire du 9 mars 2018 et réclament dans ce cadre
des mesures supplémentaires de protections des victimes, notamment :

— la mise en oeuvre par les Ressources humaines de solutions de mobilité
géographique en cas de situation exceptionnelle (et indépendamment de
l’éloignement de l’agresseur), sur rapport de l’assistant-e social-e et avec l’accord des
victimes.
— L’octroi par l’administration de 10 jours d’autorisation spéciale d’absence fractionnables pour que les personnes victimes de violences puissent réaliser les
démarches administratives et judiciaires requises.
— L’action de l’administration sur la base des présomptions de discrimination qui
découlent sur la base des faits rapportés par la victime comme le prévoit la loi 2008-
496 du 4 mai 2008.
— de véritables négociations et des moyens fléchés pour mettre en oeuvre l’axe 5 de
l’accord égalité professionnelle 2018 dans la Fonction publique.

Alors que les femmes sont les grandes perdantes de la réforme des retraites, qu’elles
subissent les inégalités salariales et la plus grande part des emplois précaires
souvent à temps partiel, le gouvernement doit cesser sa politique de précarisation
des femmes et mettre en oeuvre une politique ambitieuse de lutte contre les
violences. Le ministère de l’Éducation nationale doit prendre ses responsabilités et
décliner cette politique dans son secteur.

Lettre au ministre