Documents CT sur les moyens Collège

 Liminaire intersyndicale CTSD 2nd degré du 19/03/2020

 

Monsieur le Directeur académique, Mesdames et Messieurs,

Depuis la fin du mois de janvier, le mouvement social entamé en décembre dernier contre le projet de réforme des retraites s’est poursuivi avec détermination en empruntant des formes inédites. Profitant du contexte de l’expansion de l’épidémie (désormais pandémie) de coronavirus, le gouvernement a utilisé l’article 49.3 de la Constitution de 1958 pour faire passer le projet de loi ordinaire sur la réforme des retraites en force. À cette occasion, un rassemblement a été organisé dès le samedi 29 février au soir devant l’Assemblée nationale, comme partout en France. Le 3 mars, une manifestation parisienne s’est déroulée à Paris : elle a réuni des milliers de personnes. Dans les enquêtes d’opinion, une grande majorité de la population reste opposée à la réforme des retraites par point.

Ce soutien est de plus en plus affirmé face à la violence inouïe que toutes les formes de contestation sociale subissent depuis maintenant un an et demi. La répression subie par la manifestation féministe du 7 mars dernier est scandaleuse et nous la dénonçons avec vigueur. Rappelons que ce sont les femmes qui sont en première ligne de la crise sanitaire : 88% d’infimières, 90 % de caissières, 82 % des enseignantes du primaire, et 90 % du personnel dans les EPHAD sont des femmes.

Nous continuons de condamner toutes les violences policières qui ont eu lieu au cours des manifestations et nous participerons à toutes les initiatives visant à les mettre en échec. Nous exigeons l’abandon des poursuites et l’amnistie des personnes déjà condamnées pour des faits de manifestation.

Dans l’éducation, le mouvement de refus des E3C a été continu durant la période. Il a atteint son pic avant les vacances de février, période durant laquelle les blocages ont été nombreux. À cette occasion, l’administration a utilisé tous les moyens possibles pour tenter de briser les élèves participant à ces actions. À plusieurs reprises, des lycéen.ne.s ont été placé.e.s en garde à vue et ont été, pour certain.e.s d’entre eux.elles, déféré.e.s devant les tribunaux. Il reste, à l’heure actuelle, dans l’académie, une dizaine d’établissements où la première session d’E3C ne s’est pas déroulée et dans bien des endroits où le Ministre annonce que les épreuves se sont tenues, en réalité, ce n’est qu’une très petite minorité d’élèves qui sont entré.e.s composer. Le Ministre doit entendre les personnels et les élèves en annulant les E3C et en rétablissant le baccalauréat national.

Au lieu de cela, Jean-Michel Blanquer a continué d’occuper l’espace médiatique pour détourner l’attention des collègues tout en court-circuitant les discussions menées en parallèle avec les organisations syndicales sur différents scenarii de revalorisation de la profession. Le ministère n’a cessé de ventiler de fausses informations sur une revalorisation chiffrée à 100 € par enseignant.e, alors que seuls les premiers échelons seraient concernés. Nous continuons d’exiger une augmentation du point d’indice permettant de rattraper le retard pris depuis 2001 et le retrait du projet de retraite par points.

De même, le Ministre a d’abord tenté d’utiliser le coronavirus pour restaurer l’image du gouvernement. Or, les annonces ont été contradictoires. Nos collègues concerné.e.s ont d’abord été confiné.e.s, puis ont eu l’ordre de revenir travailler. Le ministère n’a absolument pas envisagé les conséquences juridiques de ces décisions, mettant certains personnels en difficulté. L’agitation médiatique sur le savon dans les toilettes a passablement agacé nos collègues qui constatent tous les jours que l’hygiène reste une problématique très marquante dans les établissements scolaires. Enfin, dans un contexte d’injonctions contradictoires et de consignes données à vue, les menaces d’interdiction par les préfectures des rassemblements ont été avant tout perçues comme des manœuvres visant à faire taire le mouvement social.

Depuis le 13 mars dernier, face aux injonctions contradictoires d’un Ministre de l’éducation nationale trois fois désavoué en l’espace de 72 heures, d’abord par le Président de la République, puis par le Premier ministre, enfin par ses propres services, nos organisations syndicales sont intervenues à tous les niveaux (national, académique, départemental) pour faire respecter les droits des personnels face à l’urgence sanitaire et éviter, à titre d’exemple, la convocation de nos collègues à des réunions plénières dès lundi matin, comme il était prévu dans certains établissements. Après plusieurs jours de flottement, les choses semblent désormais plus claires, Jean-Michel Blanquer ayant enfin fait parvenir des consignes explicites aux Recteur.rice.s.

Depuis lundi dernier, au nom du principe de la « continuité pédagogique », l’ensemble des élèves sont donc censé.e.s suivre une scolarité « à distance ». Au-delà des dysfonctionnements en série des ENT qui illustrent la fragilité des réseaux et la vétusté de nos outils numériques, la pensée magique ânonnée par le ministre ne résiste pas à l’épreuve des faits : adapter son enseignement, pour les enseignant.e.s, et ses apprentissages, pour les élèves, ne s’inscrit pas dans le temps effréné de la communication politique. La « continuité pédagogique » ne s’improvise pas sous la pression. Nous, personnels de l’éducation, ferons au mieux de nos possibilités matérielles et pédagogiques. Par conséquent, nous exigeons du ministre qu’il cesse tout effet de manche et qu’il respecte notre liberté pédagogique : rien ne sera prêt sous la férule.

Les professeur.e.s doivent garder la main sur leur métier, c’est-à-dire en l’espèce sur les différents dispositifs de suivi des élèves. Assurer une veille pédagogique (et non une « continuité », terme fallacieux s’il en est, puisqu’il nous faut précisément prendre acte, en ces temps de crise, d’une discontinuité de nos pratiques) dans l’intérêt de tou.te.s les élèves fait naturellement partie de nos missions mais il ne s’agit en aucun cas de subir des pressions hiérarchiques qui risquent de se multiplier. En aucun cas, dans le second degré, un.e chef.fe d’établissement, un conseil pédagogique, pas plus que les corps d’inspection, ne peuvent imposer des pratiques, des heures de connexion ou un planning défini de travail à distance. Les organisations syndicales … tiennent à rappeler que la gestion de cette crise ne peut porter atteinte à la liberté pédagogique des personnels. Nous vous demandons, M. le Directeur académique, de bien vouloir rappeler ces consignes aux chef.fe.s d’établissements ainsi qu’aux personnels.

Malgré le travail des personnels pour assurer une veille scolaire, les élèves de la Seine-Saint-Denis vont être particulièrement pénalisé.e.s par la fermeture des écoles et des établissements scolaires. Force est de constater qu’en raison des inégalités sociales particulièrement fortes dans notre département, la mise en place de ladite « continuité » pédagogique et scolaire est impossible pour bon nombre d’élèves. Pour beaucoup, il n’y a pas de connexion Internet à la maison ni d’espace de travail, et les outils proposés ne fonctionnent pas ou fonctionnent mal depuis lundi dernier. Les organisations syndicales SNES-FSU 93, SNEP-FSU 93, SNFOLC 93, CGT Éduc’action 93 et SUD éducation 93 s’accordent à dire que l’austérité budgétaire qui règne dans l’éducation nationale et particulièrement en Seine-Saint-Denis doit cesser et de véritables moyens doivent être débloqués partout en urgence pour permettre de réduire les inégalités.

Les organisations syndicales exigent que les mesures sanitaires soient respectées partout, dans les écoles et les collèges qui accueillent les enfants des personnels soignants, auxquels va toute notre solidarité. Les personnels et les élèves doivent avoir accès à du matériel de protection (savon, gants, masques et gel hydroalcoolique…). Nous avons appelé tous les personnels qui constateraient de tels manques à contacter les organisations syndicales du département au plus vite ; nous restons toutes mobilisées pour continuer à faire valoir les droits des personnels.

Lorsque la crise sera derrière nous, il faudra en tirer, pour le pouvoir en place, « toutes les conséquences ». Tirer toutes les conséquences de plusieurs décennies de politiques néolibérales qui ont laissé exsangues les services publics, en particulier l’hôpital, désormais en première ligne et qui menace d’imploser, mais aussi le service public d’éducation et d’orientation, de la maternelle à l’université, qui, lui aussi, se retrouve sous tension. Après avoir mis en œuvre, au nom d’axiomes ineptes tels que le gain de productivité, la « réorganisation » des services publics, sous la forme de cures d’austérité successives, nos gouvernants semblent soudain redécouvrir leurs vertus en même temps que les dangers de la volatilité des marchés en proie à la « main invisible ».

Dans son intervention de lundi soir, le chef de l’État a déclaré : « Toute l’action du gouvernement et du Parlement doit être désormais tournée vers le combat contre l’épidémie, de jour comme de nuit. Rien ne doit nous en divertir. C’est pourquoi j’ai décidé que toutes les réformes en cours seraient suspendues, à commencer par la réforme des retraites. »

En ce sens, nous exigeons dès à présent :

• L’annulation de toutes les suppressions de postes prévues dans les documents qui nous ont été transmis pour préparer le CTSD qui nous réunit aujourd’hui, ainsi que la création de tous les postes nécessaires (enseignant.e.s, CPE, AED, infirmier.e.s, médecins scolaires, assistant.e.s sociaux.ales, psyEN…) à la mesure des ambitions affichées par notre ministre de ne « laisser aucun enfant au bord du chemin » dès la fin de la crise sanitaire que nous traversons.

• Un plan de développement de tous les services publics en Seine-Saint-Denis enfin à la hauteur des enjeux.

Nous vous remercions de votre attention.

Liminaire IS